Here the sun rises 24 times a day

Ancienne église des Trinitaires, Metz
Automne 2020
Palissade de chantier et 5 projections vidéos Ultra HD en boucle

Une palissade de chantier dressée dans la lignée d’un vitrail à la forme ronde, quatre autres vitraux occultés, cinq vidéos de deux minutes chacune, la pénombre d’une église du XVIIIe siècle, telles sont les modalités de l’exposition Here the sun rises 24 times a day de l’artiste Benjamin Roi.
L’installation présente des vidéos empreintes de présences quasi fantomales sur fond de jeux vidéo et déploie un double questionnement : la liaison entre des actions courtes émanant de quelques portraits d’hommes et de femmes filmés sur fond vert au premier plan et la traduction numérique et visuelle de paysages exploités pour leur potentiel interactif au second plan. Le caractère a priori hybride de cette longue fresque sociale participe à la réussite d’une redéfinition de la fiction au contenu sociocritique marqué.

Complexe et en perpétuel devenir, la démarche de l’artiste réside dans le fait que le spectateur est invité à interpréter une matière quasi vivante et précalculée par des concepteurs de jeux vidéo pour en réinterpréter les contours. Les univers virtuels existants évoluent et se décomposent en cinématiques pour s’associer à une installation artistique contemporaine. Les images mouvantes dont l’intrigue prend place dans un monde fictionnel oscillent entre paysages en désordre, chutes, incendie, catastrophes, fuites, constructions urbaines et lever de soleil. En éprouvant cette installation, le spectateur est dans l’attente d’une nouvelle catastrophe que présentent les scènes de jeux vidéo, mais aussi à la lisière d’un état de latence similaire aux portraits dépeints sur fonds verts. Pour autant, le monde présenté n’est pas en train de péricliter, au contraire, il incarne quelques pans de réalité où le visiteur est invité à se réfugier pour porter une réflexion plus large sur le monde et les êtres humains. Les logiques d’immédiateté et les phases d’actions se renouvellent, les respirations des figures humaines devenues des personnages sont fortes, un homme n’a de cesse de boire du soda tandis qu’une femme fume sans se soucier du chaos présent derrière elle. La dimension de l’œuvre tant physique que conceptuelle permet l’immersion du spectateur au cœur de cette dernière. Néanmoins, les différents éléments constituent des espaces de production au sein desquels une narration se construit. Le terrain de jeu se transforme et glisse vers une fresque où la tension des affrontements et des effets climatiques vient se mouvoir avec une forme de fascination repassant sans cesse du monde virtuel au monde réel. On pense par exemple à la lumière traversante lorsque le soleil vient heurter les vitraux de l’église. Ce phénomène se recoupe avec la puissance évocatrice et symbolique des nouvelles projections. Une lumière nouvelle aux couleurs vives et presque artificielles narrant aux visiteurs l’histoire d’êtres dont l’ennui semble plus fort que les ruptures perceptibles en arrière-plan.

Here the sun rises 24 times a day a-t-elle pour vocation de faire surgir les dysfonctionnements d’ordre économique et social ? Générative et interactive, cette œuvre est une création mouvante et captivante, où les images, leurs formes et le sens que chacun y projette se modulent sans cesse. Benjamin Roi fait état d’une transmission généreuse, celle de ne plus être l’unique créateur de son œuvre, mais bien le médiateur des interactions entre le public et celles-ci. La construction de la matrice narrative et les mécanismes mobilisés pour construire une nouvelle signification — qui n’est dorénavant plus propre à la narration vidéoludique — mettent en avant un parti pris audacieux, celui de s’inscrire à contre-courant du divertissement pour mener une réflexion forte sur la portée des images fixes et mouvantes.

Cyrielle Lévêque

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